Almine Rech Paris, Matignon a le plaisir d'annoncer une sélection d'œuvres abstraites de techniques mixtes de l'artiste moderniste et pionnier japonais Takesada Matsutani, qui sera exposée à la galerie du 6 janvier au 18 février 2023.
Offrant une rétrospective générale de ses créations des deux dernières décennies, cette présentation comprendra aussi plusieurs œuvres emblématiques de l'artiste datant des années 1970 et 1980 ; cet ensemble exposera de manière concise ses thématiques artistiques et son évolution technique au cours de la phase la plus récente de sa longue carrière, qui a traversé des périodes clés du modernisme.
Matsutani, établi à Paris depuis les années 1960, est particulièrement célèbre pour sa participation à l'association artistique Gutaï, un groupe de jeunes artistes qui se rassemblent en 1954 sous la houlette du peintre Jirō Yoshihara (1905-1972) dans l’ouest du Japon. Le groupe rédige un manifeste qui exprime leur objectif d’« enfermer » la « supercherie » de l'art du passé comme des « cadavres au cimetière ». Expérimentant avec des matériaux et un large éventail de techniques artistiques, les artistes du Gutaï nourrissent l'avant-garde japonaise d'après-guerre d'une énergie qui rompt radicalement et non sans turbulence avec la tradition.
Inspirés par l'ordre de Yoshihara de révéler l'esprit expressif de leurs matériaux et de « créer ce qui n'a pas été créé auparavant », les membres du Gutaï développent ce qui est désormais considéré comme des œuvres qui seront comptées parmi les plus innovatrices et prototypiques en matière d'installation artistique, d'art du spectacle et d'art conceptuel. Le groupe bénéficie d'une grande présence à l'Expo '70, exposition universelle ayant lieu à Osaka au Japon en 1970, mais se dissout deux ans plus tard à la mort de Yoshihara.
Ayant rejoint le groupe quelque temps après sa création, Matsutani est un membre de ce qu’on appelle la deuxième génération du Gutaï. Faisant preuve d'une approche unique dans le maniement de ses matériaux, il utilise de la colle vinylique, de la peinture et d'autres techniques pour créer des œuvres sculpturales sur toile riches en textures. Celles-ci semblent souvent représenter d'étranges orifices ou d'autres formes organiques inhabituelles. Matsutani utilise son propre souffle ou un ventilateur électrique pour souffler sur les globules de colle liquide. Ainsi, il contrôle leurs formes ou encourage le flot de ce matériau humide et malléable pendant son séchage et son durcissement.
Les techniques utilisées par Matsutani, avec ces boules de colle, des tâches de peinture ou encore des objets partiellement trempés dans de la peinture, sont autant ses sujets que les formes sensuelles qui résultent de ces méthodes. Au cours de l'évolution de son œuvre, évoquant l'esthétique de la calligraphie de l'Asie orientale, il explore la force d'expression d'une palette minimaliste en noir et blanc avec des œuvres abstraites caractérisées par un charme élégant et mystérieux.
Récemment, au vernissage de l'exposition Dans un monde inconnu – Gutaï : Différentiation et intégration au musée des beaux-arts de Nakanoshima et au musée national des beaux-arts, tous deux à Osaka, Matsutani a déclaré : « Aujourd'hui encore, ma production artistique reste influencée par la maxime de Yoshihara : s'efforcer de créer quelque chose d'inédit et de neuf, et honorer l'esprit de mes matériaux ».
Originaire de Nishinomiya, une petite ville à l’ouest d'Osaka, Matsutani a plusieurs œuvres emblématiques au sein de cette exposition qui est actuellement en cours dans cette grande ville portuaire de l'ouest du Japon. (Depuis longtemps, l'artiste partage son temps entre ses ateliers de Paris et de Nishinomiya.)
Parmi les œuvres de Matsutani à Almine Rech Paris, Matignon seront présentées l'un de ses longs dessins au crayon sur papier de format horizontal issu de sa série Stream (1978) ; Point de Contact 9-2010 (2010), l'une de ses petite masse de colle vinylique de rare format de petite taille sur contreplaqué ; A Drop/Une Goutte (2018-22), où l'artiste expérimente avec une nouvelle combinaison de colle vinylique et d'encre noire sur toile ; et Expanding-22 (2022), une œuvre lumineuse de technique mixte où un globule de colle vinylique transparente se tient contre la surface de la toile blanche et dont la forme nous nargue en cachant une simple ligne tracée au crayon.
Au cours des dernières décennies, les exploits des artistes du Gutaï sont devenus célèbres dans le monde entier grâce à de grandes expositions telles que L'art japonais après 1945 : Un cri vers le ciel (musée des beaux-arts de Yokohama, 1994), Gutaï : L'esprit d'une époque (Centre national de l'art, Tokyo, 2012), Gutaï : Splendid Playground (Solomon R. Guggenheim Museum, New-York, 2013), et l'exposition actuelle sur deux sites à Osaka.
Avec la présentation d’œuvres originales de techniques mixtes, au sein de ces expositions, ainsi que dans de nombreuses expositions personnelles dans plusieurs galeries au Japon, aux États-Unis et en Europe, Matsutani est devenu l'une des rares figures prééminentes du mouvement Gutaï dont les contributions à l'héritage influent du groupe en matière d'expérimentation et dont l'œuvre individuelle ont attiré des éloges considérables de la critique en tant que telle.
À travers ce condensé de l'œuvre de Matsutani, Almine Rech Paris, Matignon exposera les idées et les innovations d'un artiste dont le parcours créatif l'a transporté d'une petite ville japonaise à l’un des épicentres historiques de l'art moderne au cœur de l'Europe, et d'expérimentations initiales avec les matériaux les plus simples à la confection d'un ensemble d'œuvres abstraites et énigmatiques qui a su se faire une place parmi les canons de l'art moderne.
— Edward M. Gómez, journaliste, critique d'art et auteur