La société des spectacles

What might be the common denominator between the practices of Farah Atassi and Ulla von Brandenburg, two artists who at first glance have nothing in common?
Perhaps an exaltation, a celebration of the spectacle of forms that a half-drawn curtain presents to us.

In Atassi’s paintings, the curtain is open and yet the dancers are motionless. Time stands still. The curtain does not open onto the show of a choreography but onto a show of forms. A form among forms, the character seems to be no more than one element of an authentic still life. What better than a grid as a backdrop for celebrating form? While the modernist fable has made it the symbol of an anti-narrative choice and of formal purism that rejects meaning and depth, in Farah Atassi’s paintings the grid becomes the podium of lauded formalism. A “theatricality” reinforced by the gaze of these languid dancers, including the presence of the viewer.

This same viewer is invited to enter Ulla von Brandenburg’s environments and traverse the colours and monumental textile paintings that the artist majestically deploys within the space. As in Atassi’s paintings, Von Brandenburg mobilises a multiplicity of art forms (dance, music, theatre, and so on) within her vocabulary. This reflects a body of work that does not define itself in terms of pure textile specificity but through a constructive activation of other chapters in the history of the arts. Both artists, Atassi in the pictorial space and Von Brandenburg in the exhibition space, share the same project of producing abstract forms in the manner of a universal language applying to all artistic forms and all fields of society, seeking to blur the boundaries separating art from life, in line with historical avant-gardes.

In this way, through the recent film La fenêtre s’ouvre comme une orange (2022) [The Window Opens Like an Orange], Von Brandenburg revives the ghost of female figures of modernity, particularly Sonia Delaunay and her dresses created simultaneously in 1913, while Atassi’s paintings set in motion dancers, musicians, and other masked figures on stage and behind the scenes, recalling Oskar Schlemmer’s historic ballets and Xanti Schawinsky’s stagings.

La société des spectacles examines the use of the stage, spectacle, and artifice, and all the ambiguities that they give rise to within very different art practices, while both fall within a modernist legacy.

On the other hand, both artists’ work is infused with a profound analysis of space, celebrated in the exhibition. In a maze-like pathway, formed by panels of colourful fabric, viewers will have a singular experience in the exhibition space: they will become immersed in colour and then discover Atassi’s canvases, through an opening in a curtain. These huge textile objects form a camouflage, concealing Atassi’s female models in languid poses, who themselves inhabit pictorial spaces playing on both registers of intimacy and the spectacular. Farah Atassi’s paintings emerge as the set for Ulla von Brandenburg’s installations and Von Brandenburg’s environments as the set for Atassi’s canvases.

— Marjolaine Lévy

Quel serait le dénominateur commun entre les pratiques de Farah Atassi et d’Ulla von Brandenburg, deux artistes qui n’ont à première vue rien en commun ?
Peut-être une exaltation, une célébration du spectacle des formes qu’un rideau entrouvert nous donne à voir.

Dans les peintures d’Atassi, le rideau est ouvert, et pourtant les danseuses sont immobiles. Le temps s’est arrêté. Le rideau s’ouvre non pas sur le spectacle d’une chorégraphie mais sur une mise en spectacle des formes. Forme parmi les autres formes, le personnage semble n’être plus qu’un élément d’une authentique nature morte. Quoi de mieux qu’une grille comme fond pour célébrer la forme ? Si la fable moderniste en a fait le symbole d’un parti pris anti-narratif et d’un purisme formel qui refuse le sens et la profondeur, la grille devient dans les tableaux de Farah Atassi le podium d’un formalisme célébré. Une « théâtralité » renforcée encore par le regard de ces langoureuses danseuses incluant la présence du spectateur.

Ce même spectateur est invité à pénétrer dans les environnements d’Ulla von Brandenburg, et à traverser la couleur et les monumentales peintures sur tissu que l’artiste déploie dans l’espace avec majesté. Comme Atassi à l’intérieur de ses peintures, von Brandenburg mobilise dans son vocabulaire une multiplicité de formes d’art (danse, musique, théâtre...). Se délivre ainsi l’image d’une œuvre qui ne se définit pas dans sa pure spécificité textile mais dans une féconde mise en mouvement d’autres pans de l’histoire des arts. Les deux artistes, Atassi dans l’espace pictural et von Brandenburg dans l’espace d’exposition, partagent le même projet de produire une plastique abstraite à la manière d’un langage universel s’appliquant à toutes les formes artistiques et tous les champs de la société, en cherchant à brouiller la frontière séparant l’art de la vie, dans la lignée des avant-gardes historiques.

Ainsi, à travers le récent film La fenêtre s’ouvre comme une orange (2022), Von Brandenburg ravive le fantôme de figures féminines de la modernité, en particulier Sonia Delaunay et ses robes simultanées créées en 1913, tandis qu’Atassi met en mouvement dans sa peinture danseuses, musiciennes et autres personnages masqués sur scène et en coulisse rappelant les historiques ballets d’Oskar Schlemmer et les mises en scène de Xanti Schawinsky.

« La société des spectacles » propose une réflexion sur l’usage de la scène, du spectacle, de l’artifice et toutes les ambiguïtés que cela soulève dans des pratiques artistiques fort différentes mais inscrites toutes deux dans un héritage moderniste.

En outre, l’art des deux artistes est habité par une réflexion profonde sur l’espace, célébrée dans l’exposition. Dans un parcours labyrinthique construit par les pans de tissus colorés, les spectateurs vivront une expérience singulière de l’espace d’exposition : ils plongeront dans la couleur puis découvriront au détour d’une ouverture de rideau, les toiles d’Atassi. Ces immenses objets textiles camouflent, dissimulent les modèles féminins aux poses langoureuses d’Atassi, eux-mêmes habitant des espaces picturaux jouant tout à la fois sur l’intime et la mise en spectacle. Les peintures de Farah Atassi apparaissent comme le décor des installations d’Ulla von Brandenburg, et les environnements de Von Brandenburg comme le décor des toiles d’Atassi.

— Marjolaine Lévy