La galerie Almine Rech a le plaisir d’annoncer l'exposition personnelle de Zbigniew Rogalski. Une série d’œuvres inédites sera présentée au rez-de-chaussée de la galerie du 25 mai au 21 juillet 2007.
Un mouvement de balancier met alternativement dans l’ombre ou en lumière la peinture. Actuellement l’art contemporain donne une grande visibilité à de nombreux peintres souvent identifiés en mouvements par rapport à des langages nationaux, notamment américain, allemand et polonais.
Zbigniew Rogalski est un des peintres polonais qui se démarque par la qualité de ses recherches et leur originalité qui ont déjà fait naître une œuvre attachante et reconnaissable à la sensibilité narrative de ses peintures et à leur recherche formelle figurative et dépouillée se référant à un registre cinématographique plus que pictural.
La richesse de la création artistique polonaise au XXè siècle, même si elle s’est souvent développée hors de Pologne, la complexité et la particularité à la même période de l’histoire de ce pays sont certainement une base fertile qui engendre une vision originale.
Des peintures de Zbigniew Rogalski émanent à la fois la nécessité vitale de la création artistique et un doute existentiel ; générant une œuvre où la représentation de la réalité s’impose et prend sens et forme dans l’imbrication du physique et du mental, dans l’aliénation réciproque de l’objectif au subjectif.
Extraits d’articles :
“Dans une scène du remarquable premier long-métrage de Roman Polanski — Le Couteau dans l’eau (1961) — un personnage allongé sur le pont d’un yacht observe le sommet du mât, tantôt de l’œil gauche, tantôt de l’œil droit. Naturellement, l’image bascule. Ce tour de passe-passe élémentaire est destiné à prouver que notre système optique n’est pas un instrument neutre, voire objectif et, en outre, qu’il permet, avec un appareil photo ou une caméra, de manipuler sans peine l’image de la réalité. Un dessin célèbre utilisé par Gombrich dans L’Art et l’Illusion, perçu tantôt comme un canard, tantôt comme un lapin, illustre — d’une autre manière — la nature de ce phénomène psychophysiologique.
Partant de là, on peut comprendre comment l’œuvre de Zbigniew Rogalski se construit sur la base d’une réalité qui ne peut se laisser capter par une seule image. Rogalski a un point de vue ambigü ; par exemple dans une de ses séries de peintures l’artiste se concentre sur la surface d’un miroir, et non sur le reflet dans le miroir ; non sur ce qui se produit derrière la fenêtre, mais sur la vitre, brillante ou embuée de celle-ci. En outre, comme semble le suggérer l’artiste, ces manifestations de surface deviennent plus intéressantes quand le spectateur y projette des images générées par son imagination telles des arrêts sur image de film. Il semble que la peinture soit nécessaire à Rogalski pour ces raisons là : la possibilité de créer des illusions visuelles contenant des vues « objectives » de la réalité entremêlées à des visions de la réalité générées par la conscience, le mental.
Le rapprochement avec le cinéma est légitime dans la mesure où l’on est face à une peinture qui s’attache à la réalité « dirigée » avec précision pour maintenir le spectateur en éveil.
Lukasz Gorczyca, ‘Looking, sliding and reflecting observations on Zbigniew Rogalski’s paintings’, in Zbigniew Rogalski, Private Spring, édition Kunstverein Göttingen, Allemagne, 2005.
“Parfois les histoires les plus captivantes sont racontées au moyen d’une seule image. Certains metteurs en scène, et non des moindres, structurent un film entier autour de cinq ou six plans majeurs. Zbigniew Rogalski a le don de découvrir ces ”plans majeurs”, à la fois isolés mais riches d’évocations. Il s’agit là de scénarios visuels qui ne supposent ni introduction ni conclusion, mais qui par une sémiologie qui leur est propre, subvertissent — à la manière d’un mirage ou d’un flash électronique — le fonctionnement logique des récepteurs individuels. Nombreux sont les tableaux de Zbigniew Rogalski qui ménagent, dans l’imaginaire du spectateur, une plage d’interrogations où ce dernier se perd en conjectures entre l’amont et l’aval de la temporalité du tableau. […] Il y a une décennie encore, la narration en peinture était tout aussi inconcevable qu’un pape allemand ou la lutte des classes à l’intérieur du SPD (parti social démocrate allemand). A l’heure qu’il est, un stupéfiant changement est intervenu dans la manière d’appréhender la peinture , cela peut être seulement dû à un phénomène de nouvelle mode. La narration, parce qu’elle était jusque-là confondue avec l’illustration, était inacceptable. Aujourd’hui, le plaisir retrouvé de la narration s’explique — si toutefois il peut s’expliquer — au moyen d’arguments aussi nombreux que complexes. On serait tenté de dire que l’art vidéo, dans le style des films d’auteur, qui proliféra dans les années quatre vingt dix ; celui d’artistes tels Eija-Liisa Ahtila, Pipilotti Rist, Rodney Graham ou Stan Douglas..., contribua à développer de façon séduisante son potentiel narratif direct, conventionnel certes, mais rafraîchissant, exprimé via un médium non encore épuisé. Grâce à cet itinéraire en boucle, les vénérables surfaces peintes d’autrefois pouvaient être remises au goût du jour et véhiculer de nouvelles techniques narratives.
Dans le même temps, les jugements peut-être erronés de l’avant-garde occidentale (et de sa position politique) continuaient à circuler largement. La maxime de Clement Greenberg: “un tableau n’est envisageable que comme un objet en lui-même” est un exemple de dynamique intrinsèque se radicalisant constamment elle-même. En conséquence des exigences surévaluées de Greenberg, toute peinture devint/devient un objet. Ainsi par ce diktat un média fut banni et évacué et replacé dans un autre genre artistique […] Il semble légitime qu’aujourd’hui soit donnée une nouvelle chance de tester son potentiel à une pratique artistique qui fut discréditée de cette façon.”
Gunter Reski, ‘In the Sweatwater of the pictorial document’, in Zbigniew Rogalski, Private Spring, ed. Kunstverein Göttingen, Germany, 2005.