Almine Rech Paris a le plaisir de présenter la deuxième exposition solo de Kenny Scharf à Paris - sa quatrième à la galerie - du 14 octobre au 10 novembre 2023.
Kenny Scharf jouit pleinement de l’existence. Il a parfaitement conscience qu’il vit sur un petit nuage – au niveau artistique, c’est un pionnier, reconnu depuis quarante ans ; au niveau personnel, c’est une sorte de patriarche un peu décalé et très attaché à sa famille. Il est aussi l’un des rares artistes toujours actifs depuis qu’il a émergé dans le Downtown New Yorkais des années 1980.
Contrairement à bien des gens qui, pour s’en sortir, préfèrent fermer les yeux sur l’immensité des destructions qui affectent notre planète, Scharf interroge en permanence le triste sort d’un monde où les choses ne vont probablement faire qu’empirer.
Cette sorte de dualité, qui est pourtant au cœur de notre expérience humaine collective, est un problème que l’on a tendance à balayer sous le tapis, comme si l’ignorer à toute force pouvait le faire disparaître. Peut-être n’avons-nous tout simplement pas les mots qu’il faut pour appréhender cet avenir inconcevable ; ou alors, bien conscients de ce destin funeste, nous choisissons de privilégier les petits bonheurs quotidiens de nos vies limitées.
C’est avec son propre langage que Kenny Scharf nous parle des différents états de la vie : le bon, le mauvais, la joie, la peur, et leur infinité de nuances. Ce faisant, il nous incite – tant par le fond que par la forme – à ne rien prendre trop au sérieux.
Aujourd’hui âgé de 64 ans, Scharf a consacré sa carrière à cette exploration ; il est resté fidèle à la philosophie qui est sienne depuis qu’il a atterri à New York à la fin des années 1970 pour devenir artiste et rejoindre la scène culturelle du Downtown. Il a toujours fait les choses à sa manière : dès ses cours à la School of Visual Arts, il a tout de suite enfreint les règles de l’art et cherché à sortir de l’atelier pour trouver dans la ville elle-même sa toile idéale. Aujourd’hui encore, Scharf repousse les limites imposées par un langage artistique convenu ; c’est toujours avec le même enthousiasme qu’il pénètre dans son atelier, convaincu qu’il y est face à d’infinies possibilités de création.
Cette exposition Parisienne nous présente un Kenny Scharf au sommet de son art, sorte de synergie entre toutes ses pratiques antérieures formant un corpus harmonieux et ancré dans le moment. Il a atteint un stade où créer lui est devenu facile, avec ce savoir intuitif qui ne vient qu’après de longues années de travail.
Son intérêt du moment apparait clairement à qui s’autorise à lire entre les lignes : personnages en fusion, couleurs politiquement chargées, avec pour gros-titre « la hausse des émissions accélère le désastre partout sur terre ». Scharf, comme tous ceux qui s’intéressent à l’actualité, s’inquiète de la direction que prend le monde. Pour un artiste qui n’a jamais hésité à aborder des réalités inconfortables, le moment critique que nous traversons donne à son message une urgence inédite. Et même si les personnages sont restés les mêmes dans toute son œuvre, c’est le contexte qui a changé. Prenez le temps d’explorer ces motifs et vous percevrez le sens profond de sa pratique.
Dans l’atelier comme dans la vie, Kenny Scharf adhère à une philosophie qui affirme qu’on ne peut jamais rien prévoir. Son talent artistique exprime cette conviction, en réponse perpétuelle à ce qui a précédé, et à ce qui pourrait se produire dans l’avenir.
– Maria Vogel