Almine Rech Paris a le plaisir de présenter la première exposition monographique de Karel Appel (1921-2006) à la galerie.
Karel Appel est considéré comme l’artiste néerlandais le plus important de la deuxième moitié du 20e siècle, ce qui est vrai et faux : Appel, certes, est né à Amsterdam, mais dès 1950, à 29 ans, il quitte la Hollande pour toujours. Il s’installe à Paris avec Corneille, Constant et Asger Jorn, le noyau dur de CoBrA, ce groupe d’avant-garde farouchement européen, fondé là-même deux ans auparavant. « Si Amsterdam est la ville de ma jeunesse, Paris est celle de mon évolution. Ce que j’y ai appris prime tout le reste », déclare-t-il plus tard à l’écrivain Simon Vinkenoog.
À peine arrivé à Paris, il visite une exposition de dessins de malades mentaux à l’Hôpital Sainte-Anne. Impressionné, il recouvre de dessins les descriptions scientifiques de leurs pathologies dans la brochure qui accompagne l’exposition. C’est le Psychopathological Notebook, à la fois manifeste et dictionnaire, sa façon, après Dubuffet, d’inventer son langage pictural, une sorte d’art brut qui lui est propre. Il gardera cette brochure toute sa vie.
En 1952, Michel Tapié l’inclut dans sa légendaire exposition Un art autre, et dans son livre du même titre. Parmi les protagonistes de CoBrA, déjà dissous entre-temps, Appel est le seul à être choisi par Tapié, ce qui l’associe par la suite avec des artistes comme Mathieu, Fautrier, Étienne-Martin, Riopelle, Sam Francis ou Pollock et lui vaut sa première exposition à New York, en 1954, chez Martha Jackson. Il s’y rend pour la deuxième, en 1957, après quoi, dans la perception du milieu d’art parisien, il disparaît aux États-Unis – alors que jusqu’au milieu des années 1970 son domicile principal reste en France.
Appel est souvent identifié à CoBrA, qui n’a pourtant existé que trois ans à peine. Pour certains peintres allemands de la génération suivante, comme Baselitz ou Lüpertz, qui voulaient se démarquer du style orthodoxe abstrait des années 50 sans pour autant retourner à la figuration, la peinture de Karel Appel fut une référence. Ni entièrement abstraite, ni figurative, elle tient entre les deux une position intermédiaire. L’exemple par excellence de cette position avait été donné par Picasso, déjà passé à l’histoire et inaccessible pour le jeune Appel à son arrivée à Paris, mais transmis par Édouard Pignon, ami proche du maître. Appel lui avait rendu visite dès 1947, lors de son premier voyage à Paris avec Corneille.
L’importance cruciale de son long séjour en France dans la formation et le déploiement de Karel Appel était presque oubliée quand, quelque dix ans après sa mort, le Centre Pompidou, avec une exposition de dessins réalisée par Jonas Storsvé en 2015, et le Musée d’art moderne de la ville de Paris, avec une rétrospective réalisée par Choghakate Kazarian en 2017, se sont attachés à redresser ce fait historique. La présente exposition, montée par la galerie Almine Rech et conçue par Franz W. Kaiser, en est la suite. Elle se concentre sur deux thèmes récurrents, très caractéristiques de l’œuvre de Karel Appel : la figure et le paysage.