Almine Rech Paris a le plaisir d'annoncer une exposition collective des œuvres d'Alec Egan, Aly Helyer et Sylvia Ong, à voir simultanément à partir du 7 septembre 2023.
Alec Egan
Dans ses peintures d’intérieurs domestiques, Alec Egan (né en 1983), dont c’est la première exposition en France, s’applique à saturer l’espace pictural d’éléments décoratifs. Du sol au plafond, motifs floraux de papiers peints et de tissus d’ameublement emplissent ces pièces fictives d’un all over ornemental et multicolore, jusqu’à suggérer une étrange sensation de chaos. Cette saturation fantasmée du décoratif pictural rend les peintures de l’Américiain, qui vit et travaille à Los Angeles, à la fois repoussantes et fascinantes.
Les citrons d’un papier peint, un plat de spaghetti, un bouquet de fleurs, une coupe de fruits ou encore une image de vagues accrochée au mur forment une juxtaposition de natures mortes et de paysages au sein même de la scène d’intérieur, un assemblage de tableaux dans le tableau. Alec Egan choisit d’ailleurs souvent certains détails d’une peinture, l’envisageant alors comme une sorte de matrice picturale, pour réaliser de nouvelles toiles.
Dans la figuration sans figure humaine d’Alec Egan, quelques traits de peintres majeurs de la modernité affleurent : l’intelligence décorative de Matisse, l’abstraction ornementale luxuriante de Vuillard, l’ode à la nature majestueuse de Hokusai ou encore la banalité du quotidien transcendée par le Pop Art.
Alternant le domestique et le naturel, Alec Egan peint également des peintures de paysage atmosphériques, au chromatisme anachronique et saturé, en combinant l’huile et la peinture vinyle, qui évoquent les chromos des année 60 flirtant avec le kitsch. Marqués par des ombres profondes, ses palmiers, couchers de soleil, montagnes enneigées et multicolores retournent alors comme un gant le rêve qu’ils incarnent pour se doter d’une dimension nostalgique, mettant en scène la fragilité du monde à travers la beauté singulière de ces paradis perdus.
Aly Helyer
Rompue à la pratique du dessin, Aly Helyer (née en 1965), basée à Londres, est également une coloriste d’exception à la palette vive et chaude. Dans ses peintures figuratives, ses personnages androgynes et stoïques prennent des allures de statues antiques, instaurant d’emblée des atmosphères à la fois étranges et introspectives.
Attachés à la tradition de la peinture expressionniste, les êtres aux longs cous qui peuplent ses toiles s’enlacent, s’effleurent ou se protègent, propageant des sentiments au spectre volontiers humaniste, de la fraternité à la mélancolie, de la passion amoureuse à l’absence. Dans des cadrages serrés inscrits dans des fonds monochromes ou ornementaux, les figures aux yeux dédoublés d’Aly Helyer évoquent certains portraits cubistes féminins réalisés par Picasso.
C’est à partir de dessins que la Britannique compose ses peintures quasi oniriques, qui peuvent autant avoir pour source une image tirée d’un magazine, une peinture de la Renaissance que l’imaginaire de l’artiste. Souvent agencés comme un entrelacement de corps interdépendants, intimement reliés par les mains ou les bras, les protagonistes qu'elle met en scène finissent par amorcer une mini-narration à teneur psychologique. Les bleus et violets profonds, les oranges incandescents, les distorsions des corps comme le rapport disproportionné des tailles intensifient cette dimension introspective.
Fasciné par la peinture de Giotto pour sa capacité à sonder l’âme humaine avec une finesse hors pair, l’objet primordial de la peinture de Aly Helyer est lui aussi conduit par sa fascination pour l’étude des relations humaines, incarnées ici par des personnages au pouvoir hypnotique proche du surréalisme.
Sylvia Ong
Avant de devenir peintre, Sylvia Ong (née en 1980), diplômée en cinématographie, a réalisé de nombreux courts métrages, travaillé pour la télévision et la radio, dans la photographie de mode et le théâtre. L’abstraction de la Malaisienne, qui vit et travaille à Dubaï, trouve ses racines dans l’action painting américain et l’abstraction lyrique européenne du tournant des années 50, celle d’un Riopelle ou d’un Nicolas de Staël.
Gracieuse, gestuelle, la peinture de Sylvia Ong est nourrie par ses nombreuses expériences au contact de la nature, par les paysages de montagne et des îles de l’Asie du Sud-Est, le désert de la péninsule arabique ou des souvenirs sensoriels aussi précis que l’odeur de la pluie dans une forêt tropicale.
Ses abstractions atmosphériques entretiennent également un lien intime avec la musique, dont l’écoute peut instantanément lui évoquer des tonalités chromatiques, une luminosité et des formes spécifiques, un rythme et une harmonie lyrique d’ensemble. Peinture de l’ailleurs et du songe métaphysique, l’œuvre de Sylvia Ong se regarde également comme une peinture de la psyché, et partage avec le spectateur des états universels de l’âme, dans une palette allant de la mélancolie à la douceur.
Dans ces compositions intimement liées à la nature, le mouvement vif de lignes fines et obliques s’équilibre avec des endroits de la toile plus statiques, composés d’une matière plus épaisse et de tonalités plus foncées, pour ouvrir une perspective picturale où domine le sentiment d’une suspension du temps et d’une harmonie en apesanteur.
– Charles Barachon, écrivain et critique