Almine Rech est heureuse de présenter Terra d’ombra, une exposition des derniers dessins, photographies et sculptures en zinc de Beatrice Caracciolo. Chaque œuvre montre une artiste préoccupée par l’espace et les moyens de définir et reconquérir un territoire ; assertion de la démarche à la base de toute création artistique. Calquant son pas sur celui des artistes qui ont émergé au lendemain de l’expressionisme abstrait en Europe et en Amérique, Beatrice Caracciolo utilise un langage avant tout expressif et gestuel. De même, elle profite des leçons du minimalisme, qui appelle à une certaine retenue et à plus de contenance et de discipline. Au-delà de cette affiliation, son travail vibre d’une conscience accrue des matériaux et des textures.
Ces dix dernières années, Beatrice Caracciolo expérimente différents matériaux, en premier lieu dans ses traditionnels dessins au fusain, souvent très influencés par le collage. Puis elle développe une série d’œuvres en zinc, un médium sur lequel se marque le passage du temps. Le métal recyclé qu’elle utilise doit son apparence grisâtre – la couleur du temps accumulé – aux réactions chimiques provoquées par son exposition prolongée aux éléments naturels. Dans ces sculptures, constituées d’une variété de morceaux à la coloration et au marquage unique, coexistent plusieurs types de gris. Chaque fragment porte donc une empreinte individuelle, déposée par l’érosion résultant simultanément du battage de la pluie et de l’humidité. Ici et là apparaissent les lignes de fissures de bouts de métal alignés imparfaitement dans une juxtaposition en apparence banale : la réconciliation de la raideur et du raffinement.
Le travail de Beatrice Caracciolo évoque des zones de fluctuation entre les états solides et liquides, sa façon, peut-être, de dire son obsession des procédés quasi-alchimiques. Ceci souligne l’importance dans son œuvre de la représentation des déplacements d’énergie. Au final, il apparaît que l’élaboration des pièces en zinc et celle des dessins suivent un procédé étroitement lié ; définie par l’assemblage de morceaux métalliques, la trajectoire des lignes peut ici être vue comme une « gravure » dans l’espace. Dans ses célèbres dessins grand format, la dissémination de traits superposés en une multitude de lignes témoigne d’une interaction complexe entre pensée réfléchie et imprédictibilité.
L’exposition à la Galerie Almine Rech se déroulera en parallèle à une présentation des travaux de l’artiste intitulée …pour que passe enfin mon torrent d’anges au Château de Haroué en Lorraine.
Née au Brésil, Beatrice Caracciolo a grandi en Italie. Elle a étudié à New York à la NYU puis à la Columbia University avant de suivre un cursus d’art à la New York Studio School. Depuis les années 90, ses pièces ont voyagé au fil de nombreuses expositions entre les Etats-Unis et l’Europe : récemment, c’est la Galerie Paula Cooper à New York qui présentait ses estampes et photogravures. En 2010, Beatrice Caracciolo a également été le sujet d’une rétrospective à la Villa Medici à Rome. Elle vit et travaille à Paris.
Olivier Berggruen
(traduction Yves-Alexandre Jaquier)