« Une équation est, en mathématiques, une égalité contenant une ou plusieurs variables. Résoudre l'équation consiste à déterminer les valeurs que peut prendre la variable pour rendre l'égalité vraie. La variable est aussi appelée inconnue et les valeurs pour lesquelles l'égalité est vérifiée solutions. À la différence d'une identité, une équation est une égalité qui n'est pas nécessairement vraie pour toutes les valeurs possibles que peut prendre la variable »
Gilles Lachaud, « Mathématiques Mathématique - Équations », Encyclopaedia Universalis
Faisons le pari d’inscrire ici d’autres choses que des dates et lieux de naissance, autre chose que les études, les moments officiels de la rencontre, où ils vivent et ce qu’ils mangent, le partage des tâches, le « comment ça marche » entre eux, et même laissons de côté s’il le faut la provenance des images, les modalités de leur choix ; oublions donc tout ce qui d’ordinaire nous rassure, toutes les preuves de bonne foi ou d’intelligence, les listes de faits et de gestes qui nous rapprochent de l’histoire mais nous éloignent du sujet. Tout ce qui, en fait, nous donne le sentiment de savoir à défaut de percevoir.
Appelons-les même « X » – une lettre à la fois sous laquelle leur peinture pourrait être née et dont elle pourrait parfois être frappée – « X » comme la variable d’une équation qui pour être équation doit savoir s’en adjoindre d’autres. Car en effet la peinture de X n’aurait aucune existence sans – autre variable – la peinture des autres, avec laquelle elle n’entretient pas un rapport simpliste de citation tristement contemporain mais un projet de coexistence subtil et exigeant. Dans ce rapport simple, cette équation posée, se lit presque en toutes lettres les aspirations de X à entrer dans le monde des peintres, et les moyens qu’il se donne : ceux, exclusivement, de la peinture.
Regardons dans les peintures de X comment les couleurs sont posées, comment elles disparaissent les unes dans les autres où s’affrontent, comment elles savent s’évanouir ; ne regardons pas tant les motifs que la manière dont ils sont altérés, comment ils sont reconfigurés, réorganisés par le simple jeu de la peinture : regardons comment tout cela est fait, le moment de l’aplat et celui du dégradé – vérifions s’il le faut sur les « palettes » donnant elles aussi lieu à un tableau. Voyons comment dans l’exposition les toiles se répondent, comment une même gamme colorée donne lieu à un soleil couchant ou à un embrasement, comment la palette des chairs est aussi celle d’un paysage, si les tissus surgissent effectivement du même pinceau que les formes abstraites. Cherchons où sont les transparences, les écrans, enfonçons l’œil jusque là où il lui est permis de s’enfoncer, notons sur quoi il bute, prenons acte de la frontière de l’image.
Peu importe en vérité d’où viennent les images sur lesquelles la peinture de X prend appui, et comprenons simplement que de ces images, X n’est parfois pas l’auteur. Cette peinture est née sous X parce qu’elle se soucie moins de ses droits d’auteur que de ses devoirs. (Jean-Luc Godard : « Le droit d’auteur, vraiment c’est pas possible. Un auteur n’a aucun droit. Je n’ai aucun droit. Je n’ai que des devoirs. »)
Par quelle déformation de l’esprit croyons-nous voir dans la peinture de X des scènes pornographiques, des paysages ou des compositions abstraites, alors que cette peinture nous invite à la voir comme une peinture, comme une solution affirmée mais provisoire, une égalité temporaire ? Et pourquoi percevons-nous immédiatement que nombre de ces peintures nous survivrons, nous qui, pourtant, sommes éternels ?
Eric Troncy