Images d’un autre monde délicieux à venir
O wonder!
How many goodly creatures are there here!
How beauteous mankind is!
O brave new world,
That has such people in it!
-William Shakespeare
Almine Rech Gallery est heureuse de présenter la première exposition monographique de l’artiste néerlandais Joep van Lieshout à la galerie. Dans cette exposition intitulée Primitive Modern, Joep van Lieshout nous donne à voir la transition entre deux projets clés : le nouveau projet Neo-futurism et des œuvres récentes d’art total baptisées New Tribal Labyrinth, qui ont occupé l’artiste ces quatre dernières années. Ces deux projets représentent les mêmes désirs paradoxaux et utopiques, et font aussi apparaître un glissement marqué à travers une vision de l’évolution du monde.
La série de sculptures New Tribal Labyrinth embrasse la révolution industrielle et représente le désir romantique de ne faire qu’un avec la machine et la matière. Elle suggère la naissance d’un nouvel ordre mondial lui-même inspiré d’anciens systèmes. Dans ce monde peuplé de tribus fictives qui remet à l’honneur d’anciens rituels, nous observons un retour à l’agriculture et à l’industrie. New Tribal Labyrinth s’inspire d’objets agraires, industriels et rituels, mais l’exposition place surtout l’accent sur le domaine des rites et des rituels. Bon nombre de sculptures se présentent comme des objets de vénération, des colonnes de victoire ou des symboles de fertilité qui font référence à des sculptures primitives. Des représentations sculptées de Vénus et de la Madone, nées d’un désir aussi intuitif qu’instinctif, sont placées sur des socles qui renvoient notamment au modernisme du début du XXe siècle.
L’œuvre récente de Joep Van Lieshout, Neo-futurism, nous propose une traduction « perturbée », en rupture, et adaptée au XXIe siècle, du futurisme, courant artistique du début du XXe siècle. Technologie, big data, accélération, conflit, agression, robotique et recyclage y sont mélangés à la poésie et au romantisme. Cette œuvre dévoile non seulement un nouveau cap pris par l’œuvre de Van Lieshout, mais laisse aussi entrevoir un avenir possible, en construction, fondé d’une part sur la destruction et la déconstruction, mais d’autre part, sur l’optimisme de la (re)construction et d’une nouvelle énergie. La colonne sans fin qui donne un nouvel élan aux débris du primitivisme en offre un exemple éclairant.
La plus grande œuvre de l’exposition est une habitation tribale. Cette Essential Dwelling ressemble à une grotte taillée à main d’homme dans la pierre. Son intérieur et ses fonctions sont déterminés par les désirs et les instincts originels de l’homme. Dans cet espace de vie essentiel, l’espace intérieur est littéralement façonné par des exigences irrationnelles. Une fois encore, l’artiste mélange un objet tribal avec un héritage moderniste ; l’œuvre est contemporaine et utopique, mais tout autant primitive et archaïque.
Par cette rencontre entre Neo-futurism et New Tribal Labyrinth, le spectateur est mis au défi de découvrir une nouvelle image de l’avenir qui puisse offrir un point de repère mental. L’exposition mélange et interroge le passé et l’avenir, le modernisme et le primitivisme, le rationnel et l’irrationnel, l’utopie et la dystopie, l’art, l’énergie et la science. Joep Van Lieshout se sert de ces notions pour construire, sur les ruines du passé, de nouvelles visions du monde et de nouveaux systèmes.
Jan Boelen