Mehdi Ghadyanloo, qui a fait ses armes dans l’espace public, est considéré comme l’un des principaux artistes du Moyen-Orient. Connu notamment pour ses peintures murales monumentales en trompe-l’œil dans le centre de Téhéran, Ghadyanloo crée également des peintures sur toile, aux thèmes à la fois surréalistes et minimalistes, à la manière de René Magritte ou encore de Giorgio de Chirico.
Dans ses travaux récents, présentés dans la project space d’Almine Rech à Paris, Mehdi Ghadyanloo livre une mystérieuse série d’espaces clos, d’aires de jeu, cubes géométriques, escaliers en colimaçon et environnements architecturaux.
Chacun de ces dioramas sont inscrits sur la toile de manière virtuose et agissent comme autant de narrations intrigantes. Si l’on perçoit une minutie aiguë dans le tracé, c’est que Ghadyanloo opère en qualité de dessinateur. Par sa maitrise de l’ombre et du couple vide/plein, l’artiste transforme une surface plane en véritable labyrinthe. Ghadyanloo joue sur la profondeur de ses toiles d’une subtile manière : maître dans la manipulation de la lumière, il use des angularités, des ombres, pour nuancer sa démarche et tamiser l’atmosphère, en creusant l’espace en son sein.
Si le ludique est mis à l’honneur dans cette série de toboggans vertigineux, les matériaux sont industriels, imposants, presque intimidants. Un élan optimiste se fait ressentir dans l’essence de son travail mais se nuance aussitôt par la teneur parfois sombre et mélancolique de l’œuvre de Ghadyanloo. « Je veux créer une atmosphère à un moment précis dans le temps où tout est suspendu comme le calme avant la tempête qui s’annonce » affirme l’artiste.
Les couleurs jouent un rôle fondamental et impactent aussitôt la réception des pièces, comme pour The State of Light ou encore The Last Soldier. L’artiste insuffle à ces souvenirs des couleurs exubérantes (The Lost Paradise), comme pour contraster avec le caractère confiné et anxiogène de ces derniers. Les œuvres de Ghadyanloo évoquent ses souvenirs de vie dans de petites pièces cubiques, faiblement éclairées, dans lesquelles sa famille trouvait refuge pendant la guerre Iran/Irak.
L’espace se referme encore davantage sur le spectateur dans l’œuvre Goodmorning, Midnight, issue de la série The Fence, où un grillage vient délimiter de manière univoque l’espace et ses champs de liberté.
Bien que les ouvertures semblent se dérober, à l’instar de The Hope Monument et ses multiples échelles, l’artiste semble offrir une alternative à cette captivité : Ghadyanloo met un point d’honneur à offrir des points de fuite dans tous ses espaces : une abysse zénithale, plus ou moins large, que l’on retrouve dans chacune de ses toiles, symbole fort d’espoir qui traverse son œuvre tout du long.
L’esthétique de Ghadyanloo renvoie aux paysages d’un autre monde, ses espaces aux formes hélicoïdales se font reflets des recoins lointains de notre psyché et épousent les lignes minimales de l’architecture moderniste du XXe siècle incarnée par Le Corbusier. Pourtant, les peintures de Ghadyanloo offrent un exemple d’espoir, puisé dans les endroits les plus sombres.
- Milena Oldfield