Agostino Bonalumi, Enrico Castellani, Dadamaino, Paolo Scheggi, Turi Simeti
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La scène artistique italienne des années 60 est très active et parfaitement informée des développements étrangers. Jasper Johns et Rauschenberg exposent en Italie dès 1958 et certaines de leurs œuvres sont reproduites dans le premier numéro de Azimuth, la revue de Castellani et Manzoni, en 1959. Yves Klein, John Cage, Pierre Restany, sont à cette époque présents à Milan, exerçant leur influence dans le débat sur l'informel, question caractéristique du modernisme des années 50. S'y définit une atmosphère de fin de l'art, indissociable d'un discours de renoncement et de radicalité: l'art ancien n'est plus et il faut recommencer l'art à zéro afin qu'il ne soit plus.
Les artistes présents dans cette exposition-manifeste "Pittura Oggetto" sont tous les héritiers du geste de Lucio Fontana de la fente de la toile. L'œuvre devient un objet, une installation, elle prend en compte le vide (notamment chez Dadamaino), l'espace, la lumière, le lieu et l'expérience physique du spectateur. Castellani conserve l'utilisation de la toile mais joue avec son élasticité à l'aide de clous. Bonalumi pour sa part déforme le cadre par des arceaux donnant une architecture à la surface.
Pour ces artistes il ne s'agit plus de se situer dans l'espace mais de le structurer de manière à le rendre perceptible et à en faire l'expérience personnellement. Ces jeux de surfaces en tant qu'éléments de la composition n'appartiennent plus au domaine de la peinture ni à celui de la sculpture. "Comme ils ne peuvent non plus acquérir la monumentalité de l'architecture, ils sont le reflet de cet espace intérieur total, privé de contradiction auquel nous aspirons". (Enrico Castellani, revue Zéro n3, 1961)
Afin d'obtenir un traitement du temps analogue à celui de l'espace, tous élaborent un système répétitif fondé sur l'utilisation de la monochromie.
Manzoni dans son texte de 1960 intitulé "Libera dimensione" qui porte sur ces "achromes" donne la formulation italienne du littéralisme de Frank Stella, "what you see is what you see" : "una superficie bianca che è una superficie bianca e basta". Il s'agit en réalité pour tous ces artistes de poursuivre leurs objectifs communs de retrait de "l'artiste", de mise à l'écart de son "chef d'œuvre", au profit d'une sollicitation accrue du spectateur.
Natacha Carron
Tempe Nakiska, ‘Almine Rech’s Italian in London 1960s modernism takes over the power-gallerist’s first London space’, HERO, June 14 2014