Almine Rech et Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte (FABA) sont heureux d'annoncer l'exposition 'Hymn' de Gerasimos Floratos dans l'atelier de sculpture de Pablo Picasso au Château de Boisgeloup.
En parallèle à l’exposition de Floratos chez Almine Rech Bruxelles, celle qui se tient à Boisgeloup regroupe de nombreuses sculptures mises en rapport avec une sélection de peintures. Le titre de l’exposition, Hymn, peut surprendre au premier abord ; mais à y réfléchir, on trouve dans ces sculptures des qualités sonores.
Elles semblent chanter, crier ou parler. L’artiste laisse l’interprétation de ses oeuvres grande ouverte, comme la bouche de ses personnages.
Floratos est convaincu que la reconnaissance des visages est une capacité neuronale essentielle à notre survie dans la ville. Le cerveau est capable de faire la différence entre sourire faux ou sincère, entre paroles franches ou ironiques.Ses peintures portent en elles la même ambiguïté. Pourtant, ses sculptures sont bien plus que des traductions tridimensionnelles de ses peintures, tout comme les sculptures de Baselitz, Lüpertz ou Appel vivent et existent par elles-mêmes.
Floratos a choisi l’argile, matériau ludique et malléable qui autorise l’erreur. Elle permet aussi la laideur et l’à-peu-près que les céramistes funk de la Côte ouest ont brillamment explorés dans les années 1970 pour réinventer le langage expressionniste à leur manière politique.
Contrairement aux céramistes, Floratos utilise de l’argile sans cuisson, matière encore plus grossière. Certains disent qu’en séchant, elle devient plus dure que la pierre. Floratos a toujours admiré Tàpies et son total mépris de la matière…Il alterne gestes rapides et lents, interventions bienveillantes et agressives. Une forme de violence, de physicalité est évidente dans son processus de production. Lorsqu’il trouve la figure d’argile trop parfaite, il n’hésite pas à la malmener, à la rouler dans la poussière de son atelier. Certaines pièces y perdent un membre, voire même la tête.
Floratos a réalisé ses premières sculptures avec du papier d’aluminium. Il utilise parfois de la colle. Il y ajoute aussi des objets ready-made, comme ce petit Empire State Building extrait d’une boule à neige très kitsch.
Les couleurs vives viennent en fin de processus. Ces tons criards sont directement inspirés des panneaux publicitaires flashy de Times Square et des emballages des produits vendus dans les deli, comme celui que gère sa famille.
En réalité, son emploi de la sérialité et des couleurs vives remonte à une époque ancienne et préindustrielle. On pense aux figurines moulées des ex-voto grecs, ou à la polychromie originelle des sculptures antiques, avant que la vision du 19e siècle ne nous fasse croire que la pureté et la perfection résident dans la blancheur. Floratos garde un souvenir très fort du site de Cnossos en Crète, avec ses colonnes et frontons repeints en rouge éclatant. Une exposition en cours au Metropolitan Museum explore les couleurs originales des statues qui, sous notre regard contemporain, peuvent sembler vulgaires ou contre-intuitives.
Floratos est un artiste qui valorise – et même recherche activement - la relativité et l’imperfection. L’une de ses figures est assise dans une posture de Bouddha.
Ses figures nous affrontent. Plus on les regarde, plus elles nous provoquent. Leurs casquettes, écouteurs et baskets sont les jupons d’aujourd’hui, signes archéologiques qui resteront un témoignage direct de notre époque riche en contrastes.
— Anne Dressen, curatrice au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris.