Le terme d’optique Resting Point of Accommodation (« position de repos de l’accommodation ») fait référence à la distance à laquelle se règle naturellement le regard quand on cesse de fixer un point précis, comme un paramètre par défaut. C’est l’état physique du rêveur éveillé où toute vision se fait perception périphérique. Approcher cette notion scientifique sous un angle plus lyrique fait penser à la « science poétique » de Thomas d’Aquin, une certaine perplexité émerveillée face au monde. C’est dans cette optique que les artistes ont été invités à participer à l’exposition de groupe, dont le thème doit servir de fil rouge à peine visible aux extrapolations.
Dans un clin d’œil aux perturbations sensorielles, le Don’t Be Cruel d’Ana Benaroya nous fait voir double, dans la tradition du fameux portrait d’Elvis par Warhol. Mike Lee, lui, donne à ses huiles méticuleuses de détail un parfum d’animation numérique comme pour nous souffler que notre monde imaginaire pourrait bien être une Xbox transcendante, nimbée de lumière divine. Quant à Umar Rashid, il se collette à un remixage compliqué d’agressions colonialistes avec sang-froid et un romantisme inattendu. Et Jesse Mockrin se focalise sur l’acte de regarder lui-même en livrant sa version à elle d’un tableau du XVIIe siècle de Gerrit van Honthorst.
Pour les peintures comme pour les personnes, nous scrutons l’extérieur, à la recherche d’indices sur ce qui se cache dans les couches inférieures. En pleine rêverie, il arrive que le regard se vitrifie, que l’expression prenne un glacis de vernis, quand pourtant, tous, nous voudrions peindre notre vie alla prima.
- Bill Powers
Cette exposition de groupe est la cinquième organisée par Bill Powers pour Almine Rech, après Cliche, été 2018 à New York puis plus récemment Chorus en novembre 2019 à Paris.