Almine Rech Bruxelles est heureuse de présenter Other Earths, la première exposition personnelle d'Aaron Johnson à la galerie.
L'allégorie et le grotesque, l'humour et l'ésotérisme animent les peintures d'Aaron Johnson, dont le nouveau corpus d’œuvres oscille entre la scène de genre, le portrait et la peinture de paysage. Other Earths se compose de cinq grandes toiles et d'un ensemble de petits formats aux couleurs vives, peuplés d'une foule de personnages imaginaires et de figures monstrueuses.
La nature lumineuse, fluide et hétéroclite de la peinture d'Aaron Johnson tient avant tout au processus de création singulier conduisant chacune de ses œuvres, processus hérité du Color Field Stain Painting inventé par Helen Frankenthaler et poursuivi par Morris Louis, artistes emblématiques de l'Expressionnisme Abstrait américain. Dans un premier temps, dans son atelier, le New-Yorkais dispose en effet ses toiles vierges au sol, peint quelques motifs avant d'y laisser couler, en plusieurs endroits, de la peinture très diluée, fluide à l'excès et aux différentes tonalités chromatiques ; puis laisse les lois de la chimie et de la physique faire leur travail. Aaron Johnson débute alors son travail d'improvisation, durant lequel lâcher-prise et instantanéité sont les maîtres-mots. Car les choix et les gestes de l'artiste vont répondre au mouvement aléatoire de la matière diluée, à ses accidents imprévisibles, les prolonger et adapter la composition au fil des morphoses et dégradés successifs, de l'apparition et de la disparition de figures et de motifs.
Aaron Johnson accroche ensuite sa toile au mur pour produire d'autres formes, pures et aux contours nets, des aplats colorés minimalistes et un certain nombre de détails minutieux. Les contrastes, saisissants, entre l'aspect vibrant, organique, engendré par les coulées de peinture, et l'économie formelle de cette seconde phase du processus, témoignent d'un talent de coloriste hors pair. En multipliant les strates picturales, la peinture d'Aaron Johnson fait en outre entrer la figuration et l'abstraction dans une dynamique de résonance, ces personnages s'apparentant souvent à des abstractions, à des présences angéliques ou fantomatiques.
Le grotesque, capital dans l’œuvre d'Aaron Johnson, se nourrit d'un spectre d'influences historiques large allant du Goya du Sabbat des sorcières, pour exemple, à la satire sociale acide d'un James Ensor, des scènes de rues bondées expressionnistes de Kirchner à la figuration débridée et fantasque d'un Peter Saul. Dans ses all-over de personnages, Aaron Johnson rassemble des êtres dotés de trois yeux, comme sortis de l'iconographie bouddhiste ou tibétaine, des créatures à mi-chemin entre le monstrueux et le comique, des amants s’enlaçant sous un ciel en feu, des couples semblant communiquer par télépathie devant un paysage de montagne multicolore, ou encore des faucons dont le vol prend valeur d'allégorie du passage du monde terrestre au monde spirituel. Plongés dans des paysages psychédéliques, les êtres d'Aaron Johnson sont interconnectés, fusionnent les uns avec les autres, se confondent avec le paysage et le cosmos et sont les témoins de l'existence possible d'autres mondes. Aaron Johnson construit ainsi une peinture à la narration débordante, habitée par le métaphysique et l'ésotérisme, où l'humour n'est jamais très loin.
Chez Aaron Johnson, ce mysticisme délibérément halluciné s'accompagne toujours, en réalité, de la quête d'un meilleur vivre-ensemble, dont il est finalement l'allégorie. Une quête qui, souligne-t-il, s'ancre par ailleurs dans la réalité de notre monde contemporain, perturbé par les crises politiques et environnementales, profondément transformé par la pandémie que nous connaissons, faisant naître un besoin prégnant d'« être ensemble ». Dans sa peinture-monde où coexistent le chimérique, le chaos et la conscience collective, où la peinture elle-même occupe le premier rôle, Aaron Johnson invente une alchimie humaniste flamboyante.
- Charles Barachon